Le chasseur tire sur BalouOurs. Hier matin, lors d'une battue au sanglier à Prades, un chasseur a tiré sur un ours. Il s'agit probablement de Balou. L'animal a été blessé. Hier soir les recherches étaient lancées pour le retrouver.J.-M.D. | 08 Septembre 2008 | 09h01Des traces de Balou retrouvées au printemps 2008 dans l'Aude. Photo DDM, D. D.
Ouverture de la chasse ce week-end. A Prades, au-dessus d'Ax-les-Thermes, Thierry Bergeaud, 46 ans, avec ses amis de l'ACCA (société de chasse) locale se prépare pour une battue au sanglier. Les chasseurs ont décidé de se rendre sur le massif de Laurza, entre Ariège et Aude, au fond de ce plateau qui conduite aux gorges de la Frau. Il fait beau. La journée promet d'être belle. A 9 h 30 précise, à une cinquantaine de mètres de son poste, Thierry voit passer l'animal. Il pense à un sanglier. Tire. Touche la bête… Et se rend compte qu'il s'agit d'un ours. De Balou, qui a élu domicile depuis plusieurs semaines dans le massif et que le comité de suivi cherchait de longue date dans ces forêts.
L'animal est blessé. Il saigne. Conscient de son geste, Thierry arrête la battue immédiatement et se rend à la gendarmerie. D'après les indices (traces, poils, sang) l'équipe de suivi sur place confirme qu'il s'agit bien d'un ours et plus que probablement de Balou.
gendarmes et préfet sur placeLe tranquille village de Prades prend aussitôt des allures de place forte. Les voitures de gendarmerie investissent l'unique rue, la mairie est ouverte, un cordon de sécurité empêche les curieux de se rendre sur la piste qui mène au « lieu du crime », le préfet, Jean-François Valette arrive sur place, le ballet des voitures entre office de la chasse, office de la forêt et comité de suivi est incessant.
La zone est vaste et couvre plusieurs milliers d'hectares. Retrouver Balou sera difficile, bien que l'animal soit équipé d'une puce électronique dans l'abdomen et équipé avec son collier pour le radio guidage. Suivant la gravité de ses blessures, Balou a très bien pu parcourir plusieurs kilomètres après avoir reçu le coup de fusil. Sur place, dans le village, hier, en début de soirée le préfet avouait « n'avoir pas d'information plus précise » sur l'état de santé de l'animal.
Thierry Bergeaud, le chasseur qui a tiré, a été auditionné hier après-midi. Mais, pour l'heure rien n'a été retenu contre lui, puisqu'on ne sait pas quel est l'état de santé de l'animal.
Dans les heures qui viennent tout doit être entrepris pour retrouver le plantigrade, blessé ou, peut-être, mort. Hier soir il était repéré à une vingtaine de kilomètres de l'endroit du tir, dans la forêt entre Ariège et Aude. Cette affaire va une nouvelle fois rouvrir le débat sur les réintroductions d'ours dont on sait qu'il est particulièrement épidermique en Ariège. Et si jamais nous apprenons dans les prochaines heures que Balou n'a pas survécu, il est clair que les passions entre « pro » et « anti » vont se réveiller alors que les ours, eux, l'automne arrivant, vont se chercher une tanière pour hiberner et ne plus faire parler d'eux jusqu'au printemps prochain.
rappel Six ours morts depuis 1994L'ours Claude est abattu en 1994 dans la Vallée d'aspe dans le Béarn lors d'une battue au sanglier. Les deux chasseurs reconnus comme les auteurs seront jugés cinq ans plus tard devant le tribunal correctionnel et condamnés.
Mellba, ourse achetée elle aussi en Slovénie, disparaît en 1997. Au moment où elle est abattue, elle était suivie de ses trois oursons. L'animal se trouvait dans un massif montagneux où elle avait établi son territoire depuis l'automne 96. Le procureur chargé du dossier classe l'affaire sans suite. Les rejetons de Mellba provoquent des troubles dans les estives, et déchaînent l'opposition à l'ours.
Canelle était la dernière ourse de souche pyrénéenne. Elle est tuée le 1er novembre 2004. L'affaire fait grand bruit et lance une polémique qui ne s'est jamais arrêtée. Le chasseur qui a tué Canelle à bout portant s'estimait en danger. Il a expliqué aux gendarmes et au juge qu'il se trouvait alors en état de légitime défense. Il sera finalement relaxé.
Palouma est victime d'une chute accidentelle le 25 août 2006. Le Ministère de l'Écologie confirme alors la découverte d'un ours mort à proximité de la commune de Loudenvielle, à une altitude de 2800 mètres, dans les Hautes-Pyrénées. Quatre mois plus tôt, l'ourse avait été lâchée à Arbas, mais des opposants avaient empêché le déroulement attendu de l'opération. Palouma avait pour parrain Renaud.
Franska. Le jeudi 9 août 2007, au petit matin, Franska est percutée par une voiture sur la route nationale 21, entre Lourdes et Argelés-Gazost (photo ci-dessus). Elle traversait régulièrement cette route pour passer du massif du Pibeste à celui du Hautacam. Un accident fortuit dont le conducteur de la voiture sort heureusement indemne. Sur le corps de Franska, on découvre de nombreux plombs. Avant elle, l'ours Papillon avait subi le même sort.
Balou, l'instable voyageurUn instable Balou, qu'on a vu partout et nulle part à la fois. L'ours slovène, le quatrième à être lâché dans les Pyrénées, est arrivé dans la nuit du 1er au 2 juin sur la commune d'Arbas. Le plantigrade, qui est parrainé par les acteurs Fanny Ardant et Gérard Depardieu, est un marcheur qui sait tromper ses observateurs. Au tout début, il a bien du mal à s'ancrer dans son territoire d'adoption. Il a tout de suite pris la direction nord-est pour rejoindre la plaine, mais il revenait toujours dans les 48 heures dans les zones de montagne », explique Alain Reynes de l'Adet Pays de l'ours. À peine réintroduit, Balou n'avait plus donné signe de vie. Quelques jours après son lâcher, des traces d'ours sont observées à Auribail, à une trentaine de kilomètres au Sud de Toulouse. Nelly Olin se déclare alors « extrêmement inquiète », redoutant un « acte irrémédiable. Balou est le seul ours dont le collier ne transmet pas les localisations GPS. Le collier initialement prévu a été volé par un commando d'opposants à l'ours dans la nuit du 10 au 11 février 2006 dans les locaux de l'équipe technique ours à Villeneuve de Rivière. Balou, lui, poursuit son périple empli de mystères. En mai 2008, la présence du plantigrade est confirmée dans l'Aude, près de Rennes-le-Château…
Alain Reynes : « si c'est un tir d'instinct, c'est très grave »Alain Reynes, de l'Association pour le développement durable des Pyrénées.
Selon la préfecture, le chasseur aurait fait un « tir d'instinct » ?
Ce qui attire notre attention avant tout, ce n'est pas tant l'identité de l'ours que les circonstances dans lesquelles les faits se sont déroulés. Selon la préfecture, l'un des chasseurs, voyant un animal passer, aurait fait un « tir d'instinct », réalisant ensuite qu'il s'agissait d'un ours. Si cette version venait à être confirmée, c'est extrêmement grave. Un chasseur ne peut tirer d'abord et identifier ensuite. Cela aurait pu être aussi bien un cueilleur de champignon. C'est un défi aux règles de sécurité élémentaires.
Quelles suites entendez-vous donner à cette affaire ?
Le seul fait d'avoir tiré tombe sous le coup de la loi. Si cet animal blessé ne s'en remet pas, on déposera plainte pour destruction d'une espèce protégée. Nous nous réunirons ce lundi avec notre avocat pour décider de la suite que nous entendons donner. Il y a d'ores et déjà matière à lancer une procédure
Cet énième épisode de l'ours confirme vos demandes pressantes en faveur d'autres réintroductions ?
Dans ce dossier, on avance trop lentement. Il n'y a plus rien de prévu véritablement pour reconstituer une population d'ours viable. Les faits qui se sont produits hier fragilisent un peu plus la restauration en cours dans les Pyrénées. Pourtant, c'est un succès. N'oublions pas qu'il n'y avait que cinq ours au moment des premières réintroductions en 1996-1997. On en compte une vingtaine actuellement. Les deux opérations de lâcher ont montré leur efficacité et la bonne adaptation des ours à notre territoire, ce qu'aucune disparition, accidentelle ou pas, ne vient contredire. Nous devons sortir de la logique des « coups » consistant à lâcher quelques ours tous les dix ans.
[QFORUM] Le programme de réintroduction de l'ours dans les Pyrénées est-il en danger ?